Expo Tim Burton: monstres et fiers de l'etre

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Expo Tim burton de Paris cinémathèque de Bercy : L'expo tragique pour garçons et filles.

Je ne peux pas résister à l'envie de vous faire partager un moment délicieusement jouissif que j'ai vécu ce WE (et qui ne nécessite pas de mettre un "mature content", de toute façon, j'écris des pavés, en français, ça n'intéresse aucun censeur...ce qui est dommage, je rêve de leur dire ma façon de penser sur leur politique).

Et puis, c'est bientôt les vacances, j'ai des envies de challenge comme de me prendre pour une agence de voyage qui essayerait de vous faire rêver avec un "all inclusive" en Centre Afrique (même pas peur!)

Profitant d'un séjour à Paris, une amie et moi décidons d'aller voir l'exposition de Tim Burton organisée à la médiathèque de Bercy jusqu'en 5 août 2012, histoire d'apprécier la transcandalité de l'art, au travers de plusieurs expressions artistiques destinées à retranscrire une vision de l'auteur du monde dans sa partie matérielle et conceptuelle.
Après quoi, j'ai ajouté : « Je me rappelle plus la couleur de la voiture, ça risque de poser problème pour la retrouver dans le parking », ce à quoi mon amie a répondu «  on est venu en TGV », ce à quoi j'ai rétorqué : « Je me disais aussi  qu'on avait pris beaucoup d'auto stoppeurs ».

L'expo :

www.cinematheque.fr/fr/exposit…
Oui, parfois, je sais faire court !

L'artiste

Blague à part, l'artiste en question, c'est quand même Tim burton. Le gars qui croyait réellement pouvoir faire carrière chez Disney en racontant la vie d'une créature avec des mains faites de couteaux et de sciseaux et un squelette qui mène un combat pour l'accession des monstres au marketting de noël.

Tim Burton, c'est juste l'un des cinéastes les plus géniaux des deux dernières décennies qui a la particularité de s'adonner à un peu tous les genres (action, fantastique, conte, publicité, clip vidéo, court-métrage) et une nette prédilection pour la technique du stop motion. Pour ceux qui ne savent pas de quoi je parle et que ça perturbe (quoique, personnellement, je réalise que je lis plein de trucs que je ne comprends pas comme la physique quantique ou les livres de cuisines sur les cheese cake, mais ça me perturbe pas), le stop motion c'est une technique d'animation qui permet de mettre en mouvement des objets inanimés. On peut ainsi faire croire au spectateur qu'un bol de céréales peut s'animer et vous poursuivre dans tout l'appartement pour essayer de vous tuer (il ne faut jamais sous-estimer leur sournoiserie et pour ceux qui en douteraient, regardez un peu mieux le bol et vous constaterez qu'il y a toujours de la sournoiserie dans la forme et les couleurs de leur surface).

Ce qui fait l'originalité et la complexité d'un artiste tel que Tim Burton, c'est la diversité de leur supports d'expression. Tim Burton excelle non seulement dans le septième art mais aussi dans le deuxième : le dessin. En fait, je ne suis pas sûre qu'on ait numéroté tous les arts mais ça fait classe de le penser (pour ceux qui se poseraient la question, le premier étant l'écriture, bien évidemment ! Et là, je vais devoir faire pénitence pendant 2 semaines pour tous les dessinateurs qui vont me lire et me tomber dessus après ça lol. Tournée de cookies aux pépites de chocolat ?).

L'exposition a donc pour objectif de faire une rétrospective sur toute l'œuvre cinématographie de Tim Burton, au travers d'objets et de vidéos mais aussi, et surtout, d'exposer un large choix de dessins, de photos et de textes que l'artiste a utilisé comme travaux préparatoires à ces films, aboutis ou pas, d'ailleurs.

Petit voyage au centre d'un surréalisme jubilatoire, mêlé d'éclats d'une fantasmagorie gothique et décalée (et ouai moi aussi je peux faire des titres pompeux parfaitement incompréhensibles que tout bons critiques d'art pratiquent… J'aurai peut-être dû rajouter un nouveau «  transcendant », il est cool ce mot, il vaut mille points quand on arrive à le replacer dans une conversation autour d'un menu maxi best of big mac).

L'univers.

Comme le personnage, l'univers de Tim Burton est un univers fait d'excentricité, de mélange d'innocence et de candeur héritées de l'enfance et de visions cauchemardesques et déformées d'un adulte à l'imagination débordante de couleurs et de questionnements sur la vie et la mort (rajouter « transcendant n'importe où dans la phrase).

Plonger dans son œuvre, c'est un peu comme si on regardait les dessins d'une classe de maternelle à qui on aurait fait consommer du LSD en grande quantité juste avant de leur montrer l'exorciste et la quadrilogie d'Alien (ah ! j'en reviens pas de l'avoir placer celui-là). C'est trash, c'est surréaliste, c'est souvent drôle, c'est parfois triste et c'est toujours surprenant et il n'y a pas de vomis (je dis ça parce que la classe de maternelle aurait vomi je pense).

Presque tous les grands thèmes de la vie y sont traités : l'amour, la mort, l'enfance, l'amitié, la place de chacun dans le monde, le tout dans une explosion de bouilles déformées au rythme des rêveries surréalistes, naïves et fantastiques de l'artiste.

Bref, si vous aimez les univers léchés, classiques, esthétiquement irréprochables, réalistes et contrôlées, cette expo va vous conforter dans l'idée que dans cinquante ans, le métier le plus populaire sera celui de psychiatre.

J'en profite quand même pour préciser que c'est un univers d'adultes et que ce n'est pas parce que les petits personnages de Tim Burton ont l'air inoffensif, de loin, si on regarde pas trop bien ou qu'on a oublié ses lunettes et qu'on est myope comme une taupe, qu'ils sont réellement choupinets.

Bref, à mon sens, n'emmenez pas Junior, votre neveu hyperactif qu'on vous a refilé pour la journée et que vous allez tuer si vous ne l'occupez pas (je rappelle que l'hyper activité n'est pas une circonstance atténuante en case d'infanticide). C'est une exposition qui peut choquer par certaines représentations.

Alors pourquoi fais-je soudain (figure de style, attention) dans la promotion du CSA et de la censure, me direz-vous ? Moi qui exècre la notion de censure presque autant que les bateaux et les dentistes, c'est dire, c'est parce qu'alors que je démarrais la visite, j'ai été submergée par la vague démoniaque d'une classe de collège, cinquième, je dirais. Dix huit adolescents armés de Smartphones et d'un seul neurone pour deux (c'est la crise même pour les neurones) ont déferlé dans une salle de vingt mètres carrés donnent, je vous l'assure, une nouvelle dimension au mot démonique.

Bref, bien que j'ai trouvé courageux de la part du professeur d'emmener ces suppôts de Satan voir une expo d'un cinéastes aussi affranchi du système que Tim Burton, et sans vouloir jouer les mères supérieures, je pense quand même que leur montrer des images de petits bonhommes avec des clous dans les yeux ou de petites filles brulées vives, c'est peut-être un peu trop tôt.
Mais mon amie m'a dit : «  pfff t'es une chochotte, maintenant, les gamins bouffent de l'éviscération de pokemon à 5 ans, alors des squelettes qui font des grimaces et des photos de poupées couturées et plantées de clous, ça les perturbe autant que les questions de géopolitique ». Ce à quoi elle a ajouté : «  toi, tu peux pas comprendre, à leur âge tu pensais que les bisounours, c'était un docu fiction sur une espèce rare de pandas ».

Ce à quoi j'ai rétorqué : «  tant qu'il n'a pas été prouvé que les bisounours n'existaient pas, je fais le choix de croire qu'ils existent. ». Un jour, le monde dira « Cycy avait raison », mais comme on subira une attaque de zombies dans le même temps, je ne pourrais même pas profiter de mon instant de gloire.

Le cœur de l'expo : les dessins et les photos.

Une partie de l'exposition consiste en la présentation de croquis plus ou moins aboutis et de photos retouchées de l'auteur qui donnent une idée assez complète de son univers.
Alors Tim, il est drôlement humble. Tim, il nous prévient tout de suite : il ne sait pas dessiner (même que cette citation est écrite en super gros sur un mur…Je dis ça  pour vous signaler subtilement que parmi toutes les conneries que je raconte dans mes textes, des fois, je dis des trucs vrais …), et surtout, Tim, il nous dit qu'un jour il a réalisé qu'il s'en foutait de pas savoir dessiner, car il aimait ça et qu'il avait décrété que c'était tout ce qui comptait.

Et Tim, il aime beaucoup, beaucoup, dessiner.

Car, pêle-mêle, on découvre des croquis sur des cahiers d'école, faits au crayons ou au stylo et qui ne sont pas sans rappeler que, finalement, nous aussi on en avait rien à cirer de ce que Madame Durant, notre prof de math au lycée, nous racontait sur cette satanée théorie des probabilités et de combien y'avait de chance pour qu'on tire une boule rouge parmi dix boules bleues, et surtout, que personne ne voit ce que ça peut changer à l'univers de le savoir et que, pour tromper son ennui mortel, on gribouillait sur nos cahiers.
Tim, il a devait connaître madame Durant.

Bon évidemment, nous, on n'est pas Tim Burton, on n'a jamais rencontré Johnny Dep pour lui faire enfiler des costumes improbables et on n'est pas marié à la génialissime Helena Bonham Carter. Madame Durant, en fait, elle nous a vidés le cerveau de toute substance créative avec ces histoires de boules de couleurs (à la relecture, je ne suis pas certaine de laisser, ce passage).
On découvre aussi dans l'expo des photos retouchées, ou non, des dessins faits au pastels sur fonds noirs, sans doute pour moi les plus réussis, des tableaux faits à la gouache et qu'on admire en les éclairant au néon noir, des aquarelles et des  petits gribouillages sur des serviettes en papier (vu la quantité, Tim burton, il doit aller que dans des restos pourris dont le service devait durer 4 heures).

Les croquis sont organisés autour de thème tels que les couples, l'amour, les héros ainsi que ceux qui ont servi directement pour ses films tels que : Dark Shadows, L'étrange noël de monsieur Jack, les noces funèbres, Mars Attacks, Alice au pays des merveilles et j'en passe.

Cela représente plusieurs salles d'exposition, soit plusieurs dizaines de pages encadrées qui recouvrent des hauts murs qui vous permettront de juger à quel point Tim ne sait pas dessiner, donc.

Cela étant, pour ma part, cette exposition a ceci de surprenant qu'elle vous montre, au-delà de la fantasmagorie surréaliste qu'on connait bien, que  l'artiste pratique un humour bien plus corrosif que dans ces films, au travers d'un coup de crayon souvent magnifiquement caricatural. Au final, c'est aussi drôle que poétique, cynique que touchant, naïf que baroque (rajoutez transcendantal à la fin de la phrase).

Les figurines.

Au milieu des dessins et photos, l'exposition met en scène de nombreux personnages de Tim Burton sous forme de figurines de métal et de résine. On y retrouve tous les personnages des Noces Funèbres, le fameux « super héros » Stain Boy, de nombreux monstres, l'enfant robot ainsi que, pour moi, le clou du spectacle : la série de personnages que Burton a appelé :  les jouets tragiques pour filles et garçons avec notamment, l'enfant huitre, la filles brulées, la fille qui fixait/fixe, fixe (de loin ma préférée) etc.

Certaines sculptures, notamment des énormes boules toutes en dents qui feraient super bien dans un salon à la déco sobre (Valérie Damido ne regarde pas les bons supports, on ne lui dira jamais assez), et d'autres ressemblant à des peluches de l'enfer suspendues dans carrousel jouissif que tous les bébés devraient avoir au-dessus de leur berceau ( dans l'hypothèse, bien sûr, où votre idée serait d'élever le futur ante-Christ ou maitre du monde…non parce que si c'est pour un futur pâtissier ou une future vétérinaire, ça sert à rien) assurent un vrai spectacle.

Les accessoires de films.

Ce n'est pas le cœur de l'exposition, clairement. Néanmoins, pour les plus fans, vous y trouverez, entre autres, plusieurs casques tirés de la planète des singes, la robe rouge portée par Eva Green dans Dark Shadows (super bien fichue, la morue), le costume de Johnny Depp d' Edward aux mains d'argent (et à l'époque, il était pas épais), son gan hérissé de ciseaux et de couteaux et les casques de Batman (qui nous font prendre conscience que si Batman a deux grammes d'expressivité dans le sang, ce n'est pas dû au super héros, c'est dû au moulage des masques…Preuve que ce héros ne sert à rien…si ce n'est d'être le porte-parole de la minorité des chauve- souris dépressives et hermétiques à tout antidépresseur et toute séance de thérapie et qui arriverait à plomber l'ambiance du jubilé de la reine d'Angleterre rien qu'en disant : « 'lut, moi c'est Batman mais vous pouvez m'appeler Bat… Man »).

Les textes.

Impossible d'apprécier l'exposition sans lire les légendes que l'artiste a choisi de mettre sur ses œuvres ainsi que les nombreux petits poèmes écrits sur de simples feuilles de cahiers et qui racontent l'histoire de ses monstres, qui ont comme point commun de ne pas avoir conscience d'en être. Je vous conseille vivement de ne rater aucune des légendes parce qu'elles sont pleine d'humour et de révélations sur son univers.

Au final, ça vaut le coup de se taper le voyage ?

Oh oui, oh oui !! (Rajoutez transcendantal après le deuxième point d'exclamation).

Si on est fan du maitre, à mon avis, il faut courir voir cette exposition. D'une part, parce qu'on touche d'un peu plus près le géni et la diversité de l'art de Tim Burton et d'autre part, parce qu'on a réellement de bonnes surprises même si on connait bien ses œuvres. On réalise alors que ce qu'ils nous montre dans ses films, dans ses pubs ou ses courts-métrages, ne sont que la partie émergée de l'immense iceberg imaginatif de Tim Burton qu'il choisit de révéler un peu plus dans cette expo avec un échantillon de travaux qui s'étalent quand même sur une bonne trentaine d'années (on a même la lettre de refus de Disney la première fois que Tim leur a envoyé une histoire qu'il voulait qu'ils adaptent).

A savoir que si vous n'avez pas la possibilité de vous rendre sur place, l'exposition prévoir un magnifique ouvrage relié qui reprend la plupart des dessins exposés qu'il sera (ou est déjà) surement possible de commander sur internet. Par contre, il faut compter un certain budget parce qu'il coûte un peu plus de 200 euros.

Pour ceux qui ne sont pas fans, ce qui était le cas de la personne avec qui j'y suis allée, c'est une plongée dans un univers étrange qui, en étant à ce point détaché et affranchi d'un système artistique actuellement très aseptisé et très perverti par les phénomènes de mode de groupes, a su rester accessible au plus grand nombre.

Et une fois l'étonnement passé des petits bonhommes avec des clous dans les yeux, le maitre arrive à ses fins : rendre attendrissant et poétique des monstres qui ne sont pas censés l'être.
Bref donner de la beauté à l'horreur, de la poésie au lugubre et de l'émotion au sang (rajoutez…)

En résumé, je vous assure un petit retour dans une enfance délicieusement cauchemardesque et résolument jouissive car, tous, à un moment, on s'est dit que ce serait cool de faire du monstre planqué sous notre lit ou dans son placard un bon pote.

Voilà, bon alors...et ce Centre Afrique, je vous y emmène ?!

© 2012 - 2024 OrenMiller
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Mydriad's avatar
Superbement transcendantale ce "pavé"... Mais lutin, qu'est-ce que je suis fan des tes écrits XD
J'avoue, j'ai craqué pour le coup des bisounours XD